L'oubli américain
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L'oubli américain
David Pestieau14-04-2004
Comme au Vietnam, les stratèges de Washington ont oublié la résistance des peuples. (Photo M3M/Geert Van Moorter)
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«Quand j'ai appris la nouvelle de sa mort, je me suis sentie misérable. C'était le fils en qui j'avais placé le plus d'espoir, le seul qui avait du travail. Je l'avais supplié de ne pas y aller.» Ces propos sont ceux d'Erminia Méndez Ramos, mère d'un soldat salvadorien tué la semaine dernière en Irak lors du début du soulèvement populaire contre l'occupation.
Erminia, comme des dizaines de mères de soldats US, comme des centaines de mères irakiennes, pleurent leurs fils tués ces derniers jours. La douleur, la misère, mais aussi la rage et la révolte, ils la ressentent. L'espoir de la fin de l'occupation aussi: «Ils doivent changer car il est inacceptable que nos enfants aillent mourir à leur place», ajoute Erminia.
«Ils», ce sont ceux qui, dans les salons bien confortables de Washington, commencent à s'inquiéter: «Nous n'avons pas de bonnes options. C'est compliqué, imprévisible et très dangereux», explique Chuck Hagel, sénateur américain.
L'administration Bush et ses amis d'Exxon-Mobil et Chevron croyaient pourtant tenir la bonne option, il y a un an. Avec la haute technologie de l'armée américaine, ils pensaient pouvoir piller tranquillement les richesses irakiennes.
Un an après, le colosse est embourbé: l'année dernière, l'équivalent de 40% du budget de la défense a été consacré à l'occupation. Et deux tiers de toute l'armée de terre US sont mobilisés pour ce petit pays de 25 millions d'habitants.
Comme au Vietnam, les stratèges de Washington ont oublié la résistance des peuples. Ils avaient prétendu que les Irakiens s'entretueraient en raison de leurs différences religieuses. Alors qu'il y a moins de différence entre un sunnite et un chiite qu'entre un catholique de New York et un protestant du Texas.
Unis, les Irakiens manifestent, combattent pour le droit à vivre en paix, à disposer de leurs richesses, à développer leur pays de manière indépendante.
Le Pentagone pensait pouvoir construire une nouvelle armée et une nouvelle police irakiennes à sa solde. Au premier affrontement sérieux avec la résistance populaire, les policiers ont pris leurs jambes à leur cou ou ont rejoint les insurgés.
Le Pentagone pensait disposer de familles de soldats dociles. Ils font face à des centaines de mères qui, comme Erminia, manifestent pour le retour des troupes. Et la décision de Rumsfeld, ministre US de la Défense, de prolonger le séjour des troupes présentes depuis un an en Irak augmentera encore leur mécontentement.
L'Europe doit agir, affirme Louis Michel, qui propose les services de la Belgique pour former... les policiers irakiens. Or, ce dont a besoin le peuple irakien comme les mères de soldats, c'est que l'Europe agisse en retirant toutes les troupes italiennes, polonaises, britanniques, espagnoles d'Irak. Car nos vies, celles d'Irak et d'ailleurs, valent plus que leurs guerres.